Jean Léopold Dominique : Un héritage vivant, une justice en suspens

Ce 3 avril 2025 marque le 25e anniversaire de l’assassinat de Jean Léopold Dominique, une figure légendaire du journalisme haïtien et un défenseur acharné de la démocratie. Ce jour-là, en 2000, il tombait sous les balles d’un tueur devant les locaux de Radio Haïti-Inter, à Port-au-Prince, laissant derrière lui un vide immense et une quête de justice toujours inassouvie.

Né le 30 juillet 1930 à Port-au-Prince, Jean Léopold Dominique n’était pas destiné au journalisme. Formé en agronomie en Haïti et en France, il s’intéressait initialement aux conditions de vie des paysans haïtiens, un engagement qui reflétait déjà sa sensibilité aux injustices sociales. Mais c’est dans les années 1960 qu’il trouve sa véritable vocation en se tournant vers le journalisme, un domaine où il allait révolutionner la manière dont l’information était diffusée en Haïti.

En 1968, il prend les rênes de Radio Haïti-Inter, qu’il transforme en une tribune pour les sans-voix. Pionnier dans l’utilisation du créole haïtien à la radio, il brise le monopole du français, langue de l’élite, pour s’adresser directement au peuple. Sous sa direction, la station devient un bastion de résistance contre les dictatures des Duvalier et les régimes autoritaires qui suivront. Ses éditoriaux cinglants dénoncent la corruption, les exactions des Tontons Macoutes et les abus de pouvoir, au prix d’exils forcés à New York dans les années 1970 et 1980. Chaque fois, il revient, animé par une détermination inébranlable.

L’assassinat de Jean Léopold Dominique, le 3 avril 2000, n’a rien d’un mystère quant à ses motivations profondes. À 69 ans, il restait une voix influente et gênante dans un Haïti en proie à l’instabilité politique. À l’époque, le pays se préparait aux élections législatives et présidentielles, et Jean Dominique n’hésitait pas à critiquer les dérives du pouvoir en place, notamment le parti Fanmi Lavalas de Jean-Bertrand Aristide, alors en pleine ascension. Ses enquêtes sur la corruption et les liens entre certains politiciens et des réseaux criminels faisaient de lui une cible.

Le matin de son meurtre, il venait d’arriver à la station pour son émission quotidienne lorsqu’un homme armé l’a abattu de quatre balles, tuant également le gardien de Radio Haïti-Inter, Jean-Claude Louissaint. L’exécution portait les marques d’un contrat prémédité, commandité par des forces cherchant à faire taire une voix trop puissante. Les soupçons se sont rapidement tournés vers des cercles politiques et économiques influents, mais aucune preuve concrète n’a émergé pour désigner les commanditaires avec certitude.

Vingt-cinq ans plus tard, l’assassinat de Jean Léopold Dominique reste un symbole criant de l’impunité en Haïti. Malgré les efforts de sa veuve, Michèle Montas, elle-même journaliste et cible d’une tentative d’assassinat le 25 décembre 2002, l’enquête n’a jamais abouti. Plusieurs suspects ont été arrêtés au fil des ans, mais les investigations ont été entravées par des pressions politiques, des menaces contre les juges et une corruption endémique au sein du système judiciaire haïtien. En 2003, un juge d’instruction a tenté de relancer l’affaire, mais il a été rapidement dessaisi sous des prétextes douteux.

L’assassinat de Jean Dominique n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une longue série de crimes non élucidés visant des journalistes et des figures de la société civile en Haïti. L’impunité dont bénéficient les auteurs de ces actes renforce la culture de la peur et réduit les espaces de liberté d’expression.

Vingt-cinq ans après sa mort, Jean Léopold Dominique demeure une source d’inspiration pour les journalistes et les militants haïtiens. Son courage face à l’adversité et son engagement pour la liberté d’expression continuent d’éclairer un chemin dans un pays où la presse reste sous pression.

Aujourd’hui, la presse haïtienne fait face à des défis économiques majeurs, tout en devant assurer la sécurité de ses journalistes, fréquemment pris pour cibles par des acteurs politiques et des groupes armés. Malgré ces dangers, les journalistes haïtiens continuent de se battre pour informer le public et défendre les principes de liberté et de démocratie, dans un environnement où chaque reportage peut coûter cher. La presse demeure un acteur clé dans la quête de justice et de transparence en Haïti, bien que ses conditions de travail restent précaires et dangereuses.

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