La Semaine Sainte en Haïti : une ferveur étouffée par la crise

La Semaine Sainte, ce temps sacré qui unissait les cœurs dans la prière, s’efface doucement sous le poids des épreuves. Insécurité, pauvreté et tristesse collective ternissent les belles traditions d’autrefois, privant ainsi les chrétiens de leur ferveur passée.

Credit Photo : Italo Melo – Pexels

Autrefois moment fort du calendrier religieux haïtien, la Semaine Sainte semble aujourd’hui s’effriter sous le poids d’une crise multidimensionnelle. L’insécurité généralisée, la pauvreté extrême et une profonde désillusion collective, les manifestations de foi qui rythmaient cette période sacrée tendent à s’estomper ou à perdre de leur substance. La peur, la misère et le désespoir ont pris la place des prières et des chants.

Dans le temps, les rues s’emplissaient de vie. On chantait la Passion, on portait les rameaux en procession, et le Vendredi Saint, un grand silence enveloppait tout, comme un hommage au Christ en croix. Aujourd’hui, un autre silence règne : celui de la crainte. De nombreuses paroisses n’ont pas pu maintenir leurs célébrations traditionnelles. Certaines églises ont définitivement fermé leurs portes, tandis que d’autres ont dû réduire leurs activités pour éviter d’exposer les fidèles à d’éventuelles violences.

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« On ne ressent plus vraiment la Semaine Sainte », soupire Jean-Claude, un chrétien de Delmas. « Avant, on vivait ces jours avec intensité : les confessions, les chemins de croix, les temps de jeûne… Aujourd’hui, c’est comme si tout cela était devenu secondaire. »

Le recul de la pratique religieuse ne s’explique pas seulement par l’insécurité et les déplacements massifs des habitants de Port-au-Prince. La précarité économique pousse de nombreuses familles à prioriser la survie au détriment du spirituel. Sur les marchés, les vendeuses de poisson, aliment traditionnel du Vendredi Saint, constatent une chute importante de la demande. Accablées par la cherté de la vie, les familles peinent à maintenir les coutumes alimentaires et religieuses qui donnaient à la Semaine Sainte toute sa richesse symbolique.

Par ailleurs, à force de crises et d’épreuves, la fatigue psychologique affecte profondément le rapport à la foi. En conséquence, la spiritualité se vit de manière plus individuelle et discrète. Le risque est une déconnexion progressive entre le sens profond de cette période – rappel du sacrifice, de la solidarité et de la résurrection – et la réalité d’un peuple qui lutte chaque jour pour sa survie.

La Semaine Sainte n’a pas disparu, mais elle s’est transformée, parfois jusqu’à l’oubli. Si, dans quelques églises, les cloches sonnent encore, mais leur voix se perd dans le bruit des soucis quotidiens. Le défi pour les communautés religieuses et les croyants sera de trouver une manière nouvelle de faire résonner l’essence de Pâques au cœur même du chaos.

FHM

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