Le 14 août désormais jour férié en Haïti : La reconnaissance officielle du Bois-Caïman

Le gouvernement haïtien a officiellement proclamé le 14 août comme jour férié chômé, en hommage à la Journée du Bois-Caïman et de l’Union pour la Liberté. Cet acte, entériné par un décret publié dans le Moniteur officiel n°66-A en date du 11 décembre 2024, constitue une vraie étape dans la valorisation des racines révolutionnaires d’Haïti.

Tableau de Jacques-Richard Chéry, 1960

Bien plus qu’une simple commémoration, Bois-Caïman incarne l’un des événements les plus déterminants de l’histoire d’Haïti et de la lutte mondiale contre l’oppression. Dans la nuit du 14 août 1791, sur les hauteurs de Morne Rouge, à proximité de Plaine du Nord, des esclaves venus de nombreuses plantations du Nord de la colonie de Saint-Domingue se rassemblent en secret. La réunion est dirigée par le prêtre vodou Dutty Boukman, d’origine jamaïcaine, et la prêtresse Cécile Fatiman, qui auraient conduit un rituel spirituel et politique destiné à sceller une alliance entre les insurgés.

Selon plusieurs récits historiques notamment ceux de l’abbé Raynal, de Moreau de Saint-Méry, ou encore plus tard de CLR James dans The Black Jacobins (1938) , c’est lors de cette cérémonie que fut prise la décision collective de lancer une insurrection généralisée contre les colons esclavagistes. Cette nuit symbolise l’union sacrée des captifs africains et créoles dans la quête d’un même objectif : la liberté.

Quelques jours plus tard, le 22 août 1791, des milliers d’esclaves insurgés mettent le feu aux plantations du Nord déclenchant ainsi la Révolution haïtienne, la seule de l’histoire moderne à avoir conduit à la création d’un État indépendant dirigé par d’anciens esclaves : Haïti, proclamée libre le 1er janvier 1804.

Longtemps ignoré ou marginalisé, parfois réduit à un simple épisode de sorcellerie dans les récits coloniaux, l’événement du Bois-Caïman est aujourd’hui reconnu par les historiens comme le point de départ réel de la révolution haïtienne (Michel-Rolph Trouillot, Silencing the Past, 1995).

À compter de 2025, le 14 août devient un jour férié chômé et payé, applicable à l’administration publique, aux établissements scolaires, au secteur privé, au commerce et à l’industrie. Cette mesure vise à permettre à toutes les couches de la société de se recueillir, de réfléchir, de célébrer et de s’inspirer de cet événement fondateur.

Ce jour férié s’inscrit dans une volonté de réappropriation historique, visant à replacer les actes de résistance des esclaves et les fondations de la nation haïtienne au cœur du récit national.

En érigeant officiellement le 14 août au rang de fête nationale, l’État haïtien réaffirme que la mémoire des esclaves insurgés est un pilier vivant de l’identité nationale. Ce décret se veut également un appel à la jeunesse, aux enseignants, aux chercheurs, aux artistes, à la diaspora, afin qu’ils s’engagent dans la transmission active de cet héritage.

Dans un pays encore confronté à de profonds défis, le souvenir du Bois-Caïman rappelle que l’unité, la foi collective et la détermination populaire ont déjà changé le destin d’un peuple et peuvent encore le faire.

FHM

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