Médias et homophobie: à quand la guérison ?

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En Haïti, dans les médias actuels, les propos homophobes sont largement tolérés. Les plus récents sont ceux d’un certain Jude Gilot, chroniqueur pour une émission de radio. Il a, malencontreusement, déclaré que ce sont des ONG internationales qui ont introduit la pratique homosexuelle dans le pays, peu après le séisme du 12 janvier 2010. Comme pour dire qu’Haïti n’a jamais eu de LGBTQ+ depuis son indépendance. Monsieur le chroniqueur, la petite histoire nous apprend qu’Haïti a connu deux ex-présidents ouvertement homosexuels. À savoir Jean-Pierre Boyer et Alexandre Pétion. Et, ils étaient en couple, bien entendu. Bref.

Bien sûr que les propos de ce chroniqueur aux manquements très tangibles ne me plaisent pas, parce que la réflexion qu’il y a derrière est homophobe.

Il n’est pas nécessaire de savoir ce que vous allez en déduire. Mais certainement, vous allez me traiter de gay, de porte-parole de la cause LGBTQ+ en Haïti.

Une homophobie vicieuse

Pour rien au monde je ne vais pas changer ma vision du monde en un claquement de doigts, je reste symboliquement fort et fais avancer l’acceptation des autres dans le milieu médiatique haïtien.

Les plus avisés savent que la radio est le médium le plus permissif en matière d’homophobie en Haïti. “Masisi sal” madivin sal, “krèk long”, “zepòl kase”, “pédé”, “pédale”, “sodomite”, “zèmel, ces termes se retrouvent régulièrement dans des paroles des soi-disant journalistes. Ils s’attaquent directement à la communauté LGBTQ+.

Ce qui dérange c’est qu’on continue à véhiculer la haine à travers le talk-show qui était, lui aussi, à la base marginal, qui a dû travailler pour être diffusé à la radio, pour s’affirmer et montrer son potentiel. Pourquoi en arrive-t-on à rabaisser les autres minorités ?

Les paroles utilisées dans la radio ont-elles une influence sur leurs auditeurs et le public ? Oui. C’est la volonté de certains journalistes. Il y a de la violence dans leurs propos. Cette même violence est souvent véhiculée par le public dans son quotidien.

Les patrons de média ou la logique de l’argent

En plus des journalistes, animateurs, présentateurs et de leur public, il y a les patrons de média. Comment des propriétaires de média peuvent-ils embaucher des personnes aux propos remplis d’expressions homophobes ? Peut-être leur but est de faire parler de leurs médias, en bien ou en mal. L’industrie des radios et télés populaires a toujours joué sur ce registre du choc, lié aux cultures populaires et à leur propre approche de la sexualité. La vie affective dans les quartiers est extrêmement complexe. Elle ne se résume pas aux tournantes dans les taudis et à l’homophobie.

La responsabilité des médias

La radio n’existe pas que par lui-même, c’est d’ailleurs le plus gros canal de communication. Si les paroles de celui qui y travaille sont tout à fait répréhensibles, on peut se demander qui est derrière la machine ? Je vous parle de grosses sociétés, pas d’indépendants. Pourquoi l’homophobie n’est-elle pas grave quand elle sert le paysage médiatique ? Tout est indexé autour de l’argent.

Le cas de Kanis reste sans précédent: lesbienne non déclarée, mulâtresse, elle est parvenue à percer dans la musique en touchant un large public, grâce aux médias.

Pourtant, depuis que la chanteuse a fait son coming out, les commentaires homophobes fusent sur internet et des médias. Certains animateurs à la radio ont même déclaré qu’ils ne diffuseront plus ses chansons. Mais pourquoi ? Cela ne change rien. Comment peut-on arrêter de jouer les chansons de quelqu’un simplement parce que sa vie personnelle est différente de la sienne ?

Pour moi, ce que ces personnes veulent c’est de changer les choses. Ce qui est important pour elles c’est de déconstruire leurs normes: hétérosexuels, privilégiés, éduqués, chrétiens. Ce sont elles, qui sûres de leur bon droit, pourrissent la vie de tout le monde.

Chers travailleurs de la presse, la société est beaucoup plus fluide et moins figée que vous ne le pensez. Les homos font tout aussi bien fonctionner la société. Pourquoi cette norme s’octroie-t-elle autant de pouvoir ? On se fiche de ce que les gens font ou aiment. Pourquoi est-ce si important ?

Dieudonné Dantor ST CYR, journaliste et documentariste

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