Haïti célèbre la Fête-Dieu sous le poids de la crise

En pleine crise sécuritaire, politique et humanitaire, Haïti a célébré ce jeudi la Fête-Dieu (Corpus Christi), l’une des plus importantes solennités du calendrier catholique. Malgré les menaces constantes, les déplacements de population et une ambiance générale de peur, les fidèles ont tenu à marquer cette date par des gestes de foi. Une célébration vécue, cette année, comme un acte de résistance spirituelle.

À Port-au-Prince, comme dans d’autres villes du pays, la traditionnelle procession eucharistique a été écourtée ou confinée à l’intérieur des paroisses pour des raisons de sécurité. Dans les zones contrôlées par des groupes armés, certaines cérémonies ont été purement et simplement annulées ou célébrées discrètement, dans la clandestinité.

« Ce n’est pas une simple tradition religieuse. C’est un acte de foi, un acte de survie. Face à la violence et à la peur, nous marchons avec le Christ, dans l’espérance. », affirme Sœur Marie-Danise, religieuse du diocèse de Hinche.

Le contraste est saisissant : d’un côté, des quartiers réduits au silence par les armes ; de l’autre, des églises encore remplies de fidèles venus prier pour leurs proches disparus, déplacés ou victimes de violences.

Malgré les restrictions, les prêtres ont rappelé le sens profond de la Fête-Dieu : l’adoration du Saint-Sacrement, signe de la présence vivante du Christ au cœur de la souffrance collective. Des intentions de prière ont été prononcées pour les victimes des gangs, les enfants déscolarisés et les familles contraintes à l’exil à l’intérieur même du pays.

« Les églises qui tiennent encore debout paraissent comme le dernier refuge moral », témoigne Gerta, une femme déplacée qui dort devant l’église Notre-Dame d’Altagrace, sur l’autoroute de Delmas.

Dans un État affaibli, souvent absent sur le terrain, l’Église reste l’un des derniers repères pour la population. Certains leaders religieux ont profité de cette journée pour tirer la sonnette d’alarme face à la dégradation de la situation sécuritaire. De nombreux fidèles rencontrés ont, eux aussi, lancé un appel pressant à la classe politique et à la communauté internationale.

« Haïti n’a pas seulement besoin de sécurité. Elle a besoin d’un renouveau moral. Cette Eucharistie, nous la vivons comme un cri vers le ciel, mais aussi comme une exigence de transformation humaine », déclare un fidèle de la paroisse Saint-Pierre de Pétion-Ville.

Alors que la Fête-Dieu est habituellement marquée par des tapis de fleurs, des chants liturgiques et des festivités, l’édition 2025 s’est déroulée dans une atmosphère grave, sobre et profondément recueillie. Dans les rues désertées par la peur des affrontements, les rares cortèges qui ont pu avoir lieu ont été suivis avec émotion, comme un souffle de foi dans un pays à bout de souffle.

Malgré les épreuves, un peuple meurtri continue de marcher avec Dieu, dans l’espoir que, comme le dit l’Évangile, la paix triomphera sur la terre comme au ciel.

FHM

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